Souveraineté industrielle française : rêve ou réalité ?
Entretien avec Alexandre Saubot (France Industrie)
Retour sur notre Assemblée Générale du 4 août 2025

Le 4 août 2025, notre Assemblée Générale a réuni plus de 70 invités autour d’un entretien avec Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte, Président de France Industrie, Président du conseil d’administration de France Travail et ancien Président de l’UIMM La Fabrique de l’Avenir.
Au cœur des échanges, un thème central : « la souveraineté industrielle française : rêve ou réalité ? ». Des défis concrets et les leviers pour accélérer la réindustrialisation, en particulier pour nos industries de Drôme et d’Ardèche.
Les temps forts de l’entretien
1) Une méthode : l’intelligence collective au service de l’industrie

Pour Alexandre Saubot, la force de France Industrie réside dans ses groupes de travail (Europe, social, numérique, innovation…) qui mobilisent l’expertise des adhérents pour proposer des solutions pragmatiques et sur le soutien de ses branches comme l’UIMM. Exemple cité : la réflexion menée pendant la crise Covid pour adapter le chômage partiel et sauver des emplois industriels.
2) Comment en est-on arrivé à la désindustrialisation ?
Trois mouvements majeurs ont façonné la trajectoire française :
- Élargissement de la concurrence mondiale (arrivée de nouveaux pays industriels) : un « partage du gâteau » avec plus de compétiteurs.
- Chocs de la fin des années 1990–2000 : euro, entrée de la Chine à l’OMC, élargissement de l’UE à l’Est – sans gain de compétitivité française.
- Surrèglementation européenne et asymétrie : des objectifs de décarbonation fixés sans tenir compte des capacités technologiques et sans exigence équivalente pour les importations.
Conséquence : un décrochage du poids de l’industrie dans le PIB, des décisions d’investissement qui se font ailleurs et, localement, des projets industriels repoussés.
3) Réindustrialisation : des signaux qui repartent… à consolider
Depuis 2017, la destruction d’emplois industriels a ralenti ; les plans successifs ont un effet réel, mais l’effort doit durer. L’indispensable, selon Alexandre Saubot : sortir le sujet de l’alternance politique et inscrire la réindustrialisation dans une trajectoire stable, lisible pour les investisseurs.
4) Trois défis stratégiques pour nos entreprises industrielles
- Transformation technologique (industrie 5.0, IA, automatisation) : gains de productivité à saisir, sans perdre l’ADN métier.
- Création de valeur : à travers la formation, le recrutement sur les postes de profils industriels (techniciens, ingénieurs…)
- Décarbonation réaliste : poursuivre la baisse des émissions sans casser la compétitivité ni transférer la production à l’étranger.
- Nouvel ordre commercial : face aux politiques américaine et chinoise, défendre notre marché et remettre l’acte de produire au même niveau que l’acte de réglementer.
5) Compétitivité : aligner la France sur la moyenne européenne
L’enjeu n’est pas « moins d’impôts » mais les mêmes conditions de concurrence que nos voisins (Allemagne, Italie, Espagne) : impôts de production, coût du travail, normes, simplicité réglementaire et flexibilité (sécuriser le risque d’innover et d’embaucher).
6) Formation & emploi : le véritable accélérateur territorial
La formation initiale et continue est désignée comme le levier n°1 de productivité et de pouvoir d’achat.
Priorités :
- Mieux faire connaître l’industrie (professeurs, lycéens, demandeurs d’emploi…),
- Élever les compétences sur les métiers en tension (maintenance, usinage, soudage, conduite de ligne, robotique…),
- Augmenter le taux d’emploi des jeunes et des seniors.
En Drôme Ardèche : industries de la métallurgie en première ligne
Des besoins très concrets
- Attractivité & compétences : renforcer les passerelles avec les lycées, CFA, IUT et France Travail ; accueillir des visites de professeurs et de classes ; multiplier les immersions.
- Simplification pour les PME industrielles : accélérer permis, foncier, énergie, et accompagner la décarbonation pragmatique (électrification procédés, récupération de chaleur, efficacité énergétique, achats groupés d’énergie)
- Productivité & modernisation : déploiement robotique-cobotique, IA opérationnelle, qualité et maintenance 5.0 (predictive)
- S’adapter aux mouvements géopolitiques (droit de douane, compétition asiatique…)
- S’engager sur une vision trois à cinq ans
Foire aux questions (FAQ)
La souveraineté industrielle, c’est quoi ?
La capacité à concevoir, produire et investir en France/Europe dans les secteurs stratégiques, avec des chaînes d’approvisionnement résilientes, des compétences et des technologies maîtrisées.
Peut-on décarboner sans perdre en compétitivité ?
Oui, si l’on cible d’abord les gains rentables, que l’on soutient les ruptures technologiques et que l’on conditionne les importations au respect de nos standards.
Quelles priorités en Drôme Ardèche ?
Compétences, productivité, énergie et foncier. Et une mobilisation collective : entreprises, élus, éducation, emploi/formation.
Comment une PME industrielle démarre sa transformation ?
Par un diagnostic court (flux, énergie, qualité), un plan 12–24 mois et 2–3 projets “effets rapides” (mesure énergie, digital qualité, cobot pilote), puis une montée d’échelle.
Alexandre Saubot
Conclusion
La souveraineté industrielle n’est ni un slogan ni une nostalgie : c’est une feuille de route pour produire, innover et former ici, en Drôme Ardèche. Merci à Alexandre Saubot pour cet échange exigeant et stimulant, et à l’ensemble de nos adhérents, partenaires éducatifs et institutionnels mobilisés pour réindustrialiser durablement notre territoire.